.


Sorti des senteurs de la Lyre, j'aperçois le square Bresson au loin. Sous un soleil de plomb la foire aux trouvailles fait de bric et de broc, on y trouve tout sauf ce que l'on cherche. Verres de vue avec ou sans monture, rasoir, appareil de photo.

Je m'élance sans raison, sautille, juste pour rire, fier de mes quinze ans. Le verre de ma montre plaqué or me lance des rayons, celle là j'y tiens c'est tonton Sauveur qui me l'a offerte le jour de ma communion.

Fissa, fissa avec mon panier repas à la main j'aborde les tournants, délaissant la mesquine rue Henri Martin. Ici en un quart d'heure on passe des beaux quartiers aux barreaux de Barberousse, Dieu nous en préserve !!!

Pour quelques sous on se fringue à Bab jdid, garantie USA en passant par le Maroc. Ici en un tour de main tu te prends pour Elvis, jeans Lévis, blouson, chemise country.Faut pas que je m'égare, j'ai encore un peu de chemin, sacrés tournants. Les chats ils sont toujours là sur les murs de la droguerie savon le chat le meilleur !!! Vite mon père doit attendre j'arrête de rêvasser, le repas c'est sacré.

Tiens, Bensimon le tailleur devant sa boutique me sourit, Dame, je l'aime comme un grand frère, mon costume de communiant c'est lui, tissus anglais oh !!! Je vous dis pas les essayages, une vraie vedette, quoi !!!

Oh! qui sait qui joue ? Qui ? Gésina le guitariste, oreilles tendues je reconnais l'air des Shadows, on ne rigole plus, on écoute !!! Enfin la belle vitrine de Raphaël, devanture marron clair, alors là c'est le top du costard trois pièces.

Le Cadix un peu plus haut ne me verra pas aujourd'hui savourer ma grenadine glacée, je suis trop pressé, mon cordonnier doit avoir faim. Pour ce qui me concerne, j'irai chez Capprioli prendre mon petit pain puis chez le mozabite comme d'habitude deux vaches qui rit et quinze centimes d'olives noires feront mon repas. Je vais me régaler, j'entame les escaliers de la rue des Tanneurs, je vous jure, je ferme les yeux et je les descends deux par deux !!! Me voici au 14, chez mon paternel. Assis les ouvriers chromeurs nickeleurs tout noir se
reposent, dur labeur pour quelques sous !!!

Voilà Monsieur Germain (Khazgo pour les intimes) en personne tenant une pièce montée qui n'a rien à envier à la tour Eiffel !!!

Toujours emmerdant à décoller ces vaches qui rit ! J'irai peut-être déguster à la pâtisserie Syrienne un galbelouz rue Dupuch ou alors prendre le thé au jasmin avec un mille feuille au Tandja histoire de m'évader.

Je sursaute la voix du paternel se fait entendre : « encore des boulettes !!! Je vais devenir boulette si ça continue !!! » Mustapha, kha mouel dik, un jour je t'invites à la pêcherie, parole du mralem !!!
Patron n'tinerves pas, viens t'asseoir et prends le chmicha (soleil)! Vitamines garanties !!!

COPYRIGHT Sydney Boisis Mars 2004.