Je suis égocentrique, pardonnez moi de parler surtout de moi et un peu des autres. Dans mon récit, nombreux pourront reconnaître soit un lieu, un quartier, une personne, ou bien autres choses. Je suis né… pas au faubourg Saint-Denis, mais à Alger capitale de l'Algérie, au 2 bis de l'Avenue Gandillot. Il y a bien longtemps c'était… en 1931 un 22 décembre parait-il il y avait beaucoup de neige dans les rues. Alors tu descends à droite tu as en face le rond point du Cadix, et le Bar du Cadix. Le marchand de journaux où mon père m'envoyait chercher le journal ''La dépêche Algérienne'' ou ''l'Echo d'Alger '' ainsi que'' Paris-Match''. De l'autre côté le bar Dupuch, la droguerie de Mr. Cassar. Un carrefour important car nous avions le grand virage des Tournants, la rue Mogador qui descendait, à droite la rue Dupuch et la rue St. Augustin qui montait. Ce quartier c'est chez moi car je vais par la suite habiter le 24 de la rue Dupuch face à l'épicerie Deveza, et plus tard au dessus au 20 de la rue St. Augustin.

Quant à ma famille, ma tante Pierrette ( sœur de ma mère) habitait le 1 de la rue Dupuch. Son mari mon oncle André était le chauffeur du général Weygand Gouverneur Général de l'Algérie. Ma tante Marguerite, (sœur de mon père) avait une teinturerie ''Tout est Bien ''au 14 rue Dupuch face à la matelassière , madame Seiberras. Mon père militaire à l'époque, aidait parfois Mr. Catala au bar ''Chez Manousse ''. Au coin de la rue Dupuch et Levacher il y avait l'imprimerie Monty beau père d'un de mes meilleurs copains Christian Palerm. J'ai fréquenté l'Ecole Lavigerie rue de Bône de 1942 à 1947. Que de souvenirs heureux passés dans cette rue Dupuch. Mon premier copain fût l'épicier d'en face ''Epicerie Deveza ''. Mon copain Gilbert était un gars d'une gentillesse rare. Je me souviens que son père était très sévère et quand il fallait tirer le vin, la mise en bouteille, coller les étiquettes je répondais présent. Pour moi c'était un plaisir de pouvoir l'aider.


J'ai fait ensuite la connaissance de Georges Madjar. Un très grand sportif. Il a touché à toutes les disciplines sportives, mais où il excellait le plus, c'est la course à pieds. Il m'a entraîné dans ce sport. Je n'avais pas son endurance, je me retrouvais toujours à la traîne. Quelques années plus tard il sera plusieurs fois champion d'Algérie de Cross Country. J'avais plutôt choisi d'être son manager. Je peux dire que nous avons fait beaucoup de choses ensemble. Une fois nous sommes allés à vélo jusqu'au'' Ruisseau des Singes ''. Pour le retour nous avons pris le car. Et puis il y a eu le scoutisme, le sport, les sorties avec un Club de tourisme, et nous avons travaillé ensemble chez Worms et Cie. J'ai déménagé pour aller une rue au dessus, au 20 de la rue St. Augustin. Dans cet immeuble habitait Georges Bernardet. Ses amis venaient très souvent il s'agissait de Pierre Jean Vaillard, et Christian Vebel des Trois Baudets théâtre de chansonniers crée pendant la guerre par les trois compères.

Il y avait aussi mon cousin germain Georges-Claude Morin qui fréquentait l'Ecole Dodor juste en face de chez lui . Il avait comme professeur Monsieur Coulon que tout le monde a connu. Entre la rue Mogador et la rue d'Isly, les escaliers de la Poudrière. A gauche en descendant nous pouvions voir le restaurant ''Lucullus '', et plus bas le cinéma ''Olympia ''. Quelques années auparavant, était situé juste au coin de la rue d'Isly au 9, un Casino Music-hall et s'appelait ''l'Olympia ''. Cet établissement bien connu des Algérois appartenait à mon grand oncle frère de Charles, mon grand père qui était à la rédaction du journal ''La Dépêche Algérienne''. Mon père militaire de carrière a été un certain temps affecté au 19 éme Corps d'Armée place Bugeaud ou place d'Isly suivant l'époque. J'ai de bons souvenirs également avec les copains de l'époque années 1942/1950.- Gilbert Devéza, Waquer, Rollot , Ott, Vico, Madjar, Palerm, Louis Rolland ( que je viens de retrouver grâce à la liste sur internet d'Hervé Cuesta,) le Suisse mordu de vélo de courses et tous ceux que j'ai oubliés. Tout était centralisé entre les tournants Rovigo, la rue d'Isly, rue Dupuch et rue St. Augustin .

Pardonnez moi de parler de ma vie professionnelle où là aussi j'ai perdu de vue des amis. J'ai rencontré beaucoup de monde en particulier à la Cie de Navigation Mixte de 1948 à 1950 et 1954 à 1958 ainsi qu'à la Cie Schiaffino de1958 à 1962 ( la fuite). Pour aller rejoindre le bureau il fallait marcher sous un soleil de plomb. J'avais beaucoup de collégues, les frères Thomen, Buadés, Jean-jean, Micalef (dont le père s'occupait de l'ascenseur sur le Boulevard.) Christian Palerm, Giro, Marcel Valls, Les Leca père et les deux fils , madame Llorca, mon épouse et bien d'autres. A la Cie Charles Schiaffino, mon copain Cortell avec qui j'ai fait mon régiment, Mrs Mille, Guérin, Cadrés,( mais où sont-ils passés). Le temps passe vite. Cela fait 46 ans déjà. Mais pourquoi tout est encore ancré au plus profond de ma mémoire. Pourquoi il ne se passe pas une journée où je parle , où je pense à cette merveilleuse époque qui me manque. Nous sommes nous Pieds-noirs les mal aimés de la France, offensés, trompés, et laissés pour compte. On nous a volé une partie de notre vie et notre patrimoine. Je constate avec beaucoup de peine que la communauté Pieds-noirs s'éteint petit à petit. Nous les survivants, nous avons le devoir de mémoire à entretenir par les livres, des expositions de photos etc… pour rappeler en particulier aux générations issues non pas de l'immigration , mais à notre communauté et aux autres, que nous avons été ''expulsés'' ,'' déportés'' et malgré tout, notre cœur bat toujours aussi fort pour cette terre qui était la nôtre que nous avons tant aimée.

Je n'y retournerai pas j'ai pu voir grâce à un site communiqué par Hervé Cuesta, des photos prises en 2005. Quelle horreur ! Nos rues sont devenues une extension de la Casbah. La rage est en moi je la conserve dans un petit coin de ma tête, et je '' partirai'' avec.


Marc Laronde

 
Mis en ligne le 20 avril 2008